Santé à l'école

Rentrée scolaire dans le monde à l’ère du Covid-19

Hawa Fatty
4 septembre 2020

Alors que certains pays organisent le retour à l’école après plusieurs mois de perturbations, nombre d’interrogations et d’inquiétudes persistent pour les communautés éducatives à travers le monde. Comment conduire la réouverture en assurant la sécurité des élèves et des personnels éducatifs ? Comment gérer les retards et lacunes accumulés par les apprenant.e.s ces derniers mois ?
Comment anticiper et faire face à une éventuelle deuxième vague et une nouvelle fermeture des établissements ?

Dans le tumulte des préparatifs pour cette rentrée pas comme les autres, les syndicats de l’éducation sont au premier plan pour défendre les droits de leur communauté et exiger un retour en toute sécurité.

Alors que certains pays organisent le retour à l’école après plusieurs mois de perturbations, nombre d’interrogations et d’inquiétudes persistent pour les communautés éducatives à travers le monde. Comment conduire la réouverture en assurant la sécurité des élèves et des personnels éducatifs ? Comment gérer les retards et lacunes accumulés par les apprenant.e.s ces derniers mois ?
Comment anticiper et faire face à une éventuelle deuxième vague et une nouvelle fermeture des établissements ?

Dans le tumulte des préparatifs pour cette rentrée pas comme les autres, les syndicats de l’éducation sont au premier plan pour défendre les droits de leur communauté et exiger un retour en toute sécurité.

Impacts du confinement sur l’éducation dans le monde

Le monde de l’éducation a été lourdement frappé par cette crise internationale sans précédent.
L’ONU estime à plus d’1,3 milliard le nombre d’enfants affectés par les mesures de fermeture des écoles en prévention du coronavirus. Dans son rapport du 26 août, l’Unicef énonce que cet arrêt aura empêché 463 millions de jeunes (soit 1/3 des élèves dans le monde) de poursuivre leur apprentissage, faute d’avoir accès à du matériel numérique. Ainsi, partout les disparités ont été criantes et le fossé des inégalités scolaires s’est élargi. Une menace aujourd’hui pour la poursuite des études de millions d’apprenant.e.s.

Au Canada, une enquête de l’Internationale de l’éducation pointe également du doigt les conséquences des mesures de confinement sur la santé mentale et le bien-être des élèves et des personnels pédagogiques. Elle met en lumière les craintes de ces derniers concernant la rupture de la socialisation, indispensable au développement personnel des élèves, mais aussi leur vulnérabilisation. L’école est en effet un endroit sûr et stable permettant pour un certain nombre d’entre eux d’échapper à des violences intrafamiliales, ou encore d’avoir accès à des soins de base et une alimentation quotidienne.

L’éducation à distance s’est aussi avérée être un vrai défi pour nombre d’éducateur.rice.s.
Réactivité et adaptabilité étaient attendus d’eux pour assurer au mieux la continuité pédagogique.
Une tâche complexe lorsque l’on sait que beaucoup n’étaient pas ou peu formé.e.s aux méthodes et outils d’enseignement en ligne, ou n’avaient pas accès à des ressources didactiques appropriées.

La crise aura ainsi démontré que plus que jamais, l’éducation en présentiel est indispensable à la réussite et à l’équilibre des élèves, mais aussi à l’exercice des métiers de l’éducation. Et ce même dans des pays où l’accès au numérique est répandu.

Le retour à l’école est donc très attendu, mais non pas sans certaines préoccupations.

En France, inquiétudes et incertitudes face au retour à l’école

Alors que les cas de contamination au Coronavirus repartent à la hausse depuis plusieurs semaines, la communauté éducative française s’inquiète pour la sécurité sanitaire des élèves et des éducateur.rice.s en marge de la reprise.

Un protocole sanitaire avait été publié début juillet par le Ministère de l’Education Nationale, jugé depuis obsolète par les syndicats enseignants français. Ils se sont mobilisés afin qu’il soit modifié et qu’il prenne en compte la réalité de la situation sanitaire actuelle et la menace croissante d’une deuxième vague. Plusieurs mesures fortes étaient attendues, notamment l’imposition du port du masque dans l’enceinte des établissements et le renforcement des équipes pédagogiques pour un meilleur accompagnement des élèves.

Le SNUipp-FSU, syndicat enseignant demandait même début août le report d’au moins une semaine de la rentrée scolaire afin de laisser plus de temps au personnel éducatif de préparer sereinement la rentrée dans ces conditions si particulières.  

Le 24 août, le syndicat UNSA-Education – membre du RES – était reçu par le Ministre de l’éducation et demandait à ce que des consignes claires et précises soient édifiées, notamment sur les protocoles à mettre en place en cas de contamination suspectées ou avérées dans les écoles. Il également tenu à rappeler que ces derniers mois ont été éprouvants pour l’ensemble de la communauté éducative, et que les travailleur.euse.s de l’éducation ont besoin d’être « reconnu.e.s et respecté.e.s » dans l’exercice de leurs métiers.

Le Ministre de l’éducation a fini par annoncer que le port du masque serait obligatoire dans les établissements à partir de l’âge de 11ans, quelques jours avant la rentrée qui a eu lieu le 1er septembre. Excluant toutefois la fourniture gratuite des masques pour les élèves qui était également réclamée par les syndicats. Les règles relatives à la distanciation ont quant à elles été assouplies, afin de favoriser l’accueil de l’ensemble des élèves et un pouvoir de décision a été octroyé aux académies afin de tenir compte du contexte propre aux établissements.

Si la tournure cette rentrée scolaire reste à observer en France, en Amérique où les cours ont repris depuis plusieurs semaines, on assiste déjà à des turbulences. 

Une rentrée difficile aux Etats-Unis

Depuis le début de l’épidémie, le pays compte plus de 6millions de cas de coronavirus et 187,000 décès, selon les données de l’université Johns Hopkins (Maryland) et les chiffres sont en hausse continuelle.
Dans ce contexte, le pays se divise – sur fond de campagne présidentielle et d’intérêts politiques – sur la nécessité (ou non) de rouvrir les salles de classes.

Cette décision est prise au niveau fédéral aux Etats-Unis. Ainsi dans certains États (essentiellement pro-Trump), les cours en présentiel ont repris, y compris dans des secteurs où le coronavirus circule activement ; alors que dans d’autres, l’enseignement virtuel est préconisé et la rentrée a eu lieu en ligne. Selon un article du New York Times les pressions de la Maison Blanche ont pourtant conduit le Centre de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) à publier de nouvelles consignes se posant en faveur d’une réouverture des écoles sur l’ensemble du territoire.

Les syndicats enseignants et les collectifs de parents d’élèves s’opposent à ce qu’un retour obligatoire soit décidé sans mesures claires et fiables pour garantir la sécurité des élèves et des professeurs.
La National Education Association (NEA), également membre du RES, a ainsi publié un communiqué rédigé avec plusieurs autres organisations enjoignant le gouvernement américain à préparer une réouverture générale « de la manière la plus sûre possible, et non de la manière la plus politiquement opportune » ; en priorisant la santé publique. Elles appellent à un plan national prévoyant des dispositifs efficaces pour prévenir les contaminations, tels que des équipements de protection individuelle pour tou·te·s et des mesures de distanciation sociale.

Cette rentrée des classes hybride affecte directement les familles et le paysage éducatif du pays. Certains parents aisés n’étant pas satisfaits de l’éducation à distance, prennent la décision de participer à la constitution de learning pods, des classes privées animées par un.e tuteur.rice recruté.e par leurs soins ou par une entreprise spécialisée. Ces cours peuvent coûter jusqu’à 2500$/mois et par élève.
Un modèle qui contribue à renforcer les problématiques de marchandisation de l’éducation condamnée par l’Internationale de l’Education et qui participe au creusement des inégalités d’apprentissage pour les élèves les plus défavorisés.

Face à toutes ces zones d’ombre liées à l’évolution de la pandémie, d’autres pays craignant un rebond, ont préféré repousser la date du retour sur les bancs de l’école.

 Une rentrée scolaire reportée pour beaucoup

En Turquie, la rentrée a bien eu lieu le 31 août pour les élèves,  mais à distance. Le gouvernement, se basant sur l’avis du comité scientifique a annoncé que les écoles et universités devraient rouvrir progressivement leurs portes près d’un mois après le début de cette nouvelle année scolaire.
Il envisage plusieurs possibilités, telle que l’enseignement mixte (présentiel et à distance), un retour échelonné par régions, et même le maintien de l’enseignement total à distance dans le cas où le nombre de malades dans le pays continuerait d’augmenter.

Au Kenya en revanche, après une réunion en présence notamment des représentants du Kenya National Union of Teachers (Knut) – affilié à l’IE – le Ministère de l’éducation a choisi de renvoyer la rentrée scolaire à janvier 2021.

Depuis le mois de mars, les apprenant.e.s s’appuient sur les programmes scolaires diffusés par l’Institut kenyan de développement des curriculums via la radio et les canaux digitaux. Et alors que l’apprentissage à distance se révèle difficile d’accès pour une grande partie de la population, l’inquiétude s’installe chez les élèves kenyans et leurs familles. Le média français France Info rapporte que dans les zones rurales elles souffrent de difficultés financières accentuées par la crise, et craignent de devoir retirer leurs enfants de l’école si les frais de scolarité pour l’année 2019-2020 ne leur étaient remboursés.

Dans ce contexte difficile, les syndicats kenyans continuent de se mobiliser pour que les autorités travaillent ces prochains mois à préparer une réouverture des écoles qui garantisse la sécurité de la communauté éducative locale. Et partout, les militant.e.s portent ce même message.

Recommandations pour des reprises scolaires en toute sécurité

La sécurité des communautés éducatives reste une priorité des syndicats dans cette période incertaine. Sur tous les continents, ils exhortent leurs gouvernements à anticiper les risques face aux différents scénarios possibles et à investir dans les infrastructures et le personnel pour mieux faire face à la crise.

En Haïti, les classes ont repris sur fond de contestations politiques et mouvements des communautés éducatives. Les syndicats se mobilisent et interviennent dans les médias afin d’exiger que les arriérés de salaires des travailleur.euse.s de l’éducation soient payés, et que les établissements scolaires soient soutenus financièrement par les autorités publiques pour assurer ce retour dans des conditions inadéquates.

Au Mexique les propositions du Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación (SNTE) (affilié à l‘IE) prennent la forme d’un programme en 10 points invitant les autorités à notamment:

–          « Valoriser la volonté des enseignant·e·s de prolonger leur journée de travail et de permettre cette intrusion dans leur vie de famille et faire les ajustements appropriés en reconnaissance de leur engagement»,

–          « Renforcer les mesures de soutien psychologique et émotionnel aux élèves, parents, enseignant·e·s et directeur·trice·s afin de réduire l’incertitude, l’insécurité et le stress »

–          ou encore « Garantir les droits humains à la santé, à la sécurité sociale, aux salaires décents, à la sécurité de l’emploi, aux pensions et à un logement décent pour les travailleur·euse·s de l’éducation ».

Avec la même ambition, les membres de l’IE de la région Afrique se sont réunis en août afin d’établir des lignes directrices à diffuser aux organisations pour avancer vers un retour à l’école en toute sécurité. Comme ailleurs, ces indicateurs mettent en avant en autres la nécessité de fournir les élèves et éducateur.rice.s en matériel de protection. Ils insistent sur l’importance de les encourager à adopter les bons gestes en renforçant les installations sanitaires et d’hygiène et en aménageant les espaces de sorte à ce que la distanciation sociale puisse être respectée. Les membres du comité régional demandent également à ce que des tests de dépistages gratuits soit effectués sur les apprenant.e.s et personnels éducatifs, et qu’un suivi médical soit accessible pour toute personne malade.

L’Internationale de l’Education avait elle-même présenté ses directives au mois d’avril, en prévision des réouvertures des écoles dans le monde. Elle a depuis publié « En Marche vers l’école (Forward to school) » un document qui interpelle les décideurs politiques et les appelle au dialogue social et à la transparence. L’IE souligne que les acteur.rice.s de l’éducation méritent plus de considération et de confiance, et qu’il est impératif qu’ils.elles. soient associés à l’élaboration des mesures les impactant directement.

 

Retrouvez toutes les informations mises à jour sur les actions des membres de l’IE pour la réouverture des écoles sur sa plateforme dédiée

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